Le Grand Voyage de Gaspard Bromzières et Camille de Riveblême dans les îles Correspondance complète de Gaspard Bromzières et Camille de Riveblême, respectivement rapportée par Arnaud Le Gouëfflec et Hervé Eléouet - work in progress

Mon cher Camille,

Comme je vous comprends : il faut parfois laisser les Mystères intacts, comme des fruits empoisonnés dont il serait fatal de prélever ne serait-ce qu’une seule bouchée. Mais mon petit doigt me dit que vous n’êtes pas encore quitte de cette histoire, d’autant que je pourrais vous dire deux mots de votre Guillaume, lequel a déjà croisé mon chemin nocturne lorsque, étudiant, je circulais dans les estaminets de Roche de Canon. Mais là encore, je ne veux rien vous dire qui puisse alimenter un feu que vous souhaiteriez légitimement éteindre. Car l’horizon vous appelle, je le lis avec émotion. Moi-même j’ai été aimanté à sa ligne parfaite. Mais je vous avoue que depuis quelques temps, celle-ci s’est bosselée de toutes parts. Laissez-moi vous retracer le fil de mes dernières aventures.
Vous vous souvenez. Sur cette île recroquevillée, je ne me sentais pas à mon aise, et lorsque vint l’heure du coucher, je sus qu’il ne me suffirait pas de fermer les paupières pour m’apaiser et trouver refuge dans les rêves. Car si je le cherchai, le sommeil ne me trouva point. Et la pointe de mon esprit, aiguisée à force d’insomnie, s’en trouva si acérée qu’elle me piqua debout, si j’ose dire, c’est à dire voûté sous le plafond trop bas, habillé de pied en cape, les pieds dans mes bottes, le souffle court. Il fallait que je sorte.
La ville était déserte et une Lune en forme de globule faisait reluire sa congestion de toits gourds et de clochetons trop mûrs. Au loin, notre bateau scintillait dans une déchirure. Dans ces ruelles trop serrées, je déambulai de guingois, me frottant le pourpoint à toutes les façades, craignant de réveiller quelqu’un. Car on ne sait jamais, n’est-ce pas, lorsqu’on voyage dans les îles, si on n’enfreint pas sans le savoir quelque coutume, si l’on ne franchit sans le voir quelque seuil sacré, si l’on ne viole pas par inadvertance un tabou puni de mort. Je débouchai sur une place ratatinée, qui évoquait le nénuphar d’un lac anémié. Au centre glougloutait une fontaine où je bus avec fébrilité, quand une voix retentit :
 Pitié, monseigneur, sauvez-nous.
 Qui parle ?
La voix était petite, contournée, retournée, au diapason du reste, mais je finis par discerner son origine : un petit homme plié dans un costume lui-même plié dans l’ombre.
 Qui êtes-vous ?
 Peu importe, il faut que vous nous aidiez !
 Je n’ai pas l’habitude de rendre service à des anonymes.
Il sortit de l’ombre, emmêlé dans son col et ses rabats, et renifla avec angoisse.
 Mon nom ne vous dirait rien, sachez simplement que je suis un survivant.
 A quoi donc ?
 Au ratatinement Monseigneur. J’ai survécu au ratatinement de mon île. Une des celles que vous avez pu admirer, une de ces pièces de collection dont le Maire s’enorgueillit et dont il ne voit pas qu’elle lui renvoie le reflet de sa fin prochaine.
 Mais...
Avant que j’aie pu dire quoi que ce soit, le petit homme s’empourpra et partit dans un monologue.
 Car chacune de ces îles était un monde, monsieur, et chacune a subi l’étrange phénomène que vous observez ici : lentement, sous l’effet du philtre de ce sorcier, chacune s’est lentement effondrée sur elle-même, se congestionnant, se rembourrant, se serrant pour se faire de la place, jusqu’à ce qu’arrivée presque au point d’implosion, elle écrase entre ses plis les autochtones épuisés, vidés de leur énergie, affaissé eux aussi en eux même, dans la paresse et l’inaction, trop lents pour agir, pour réagir. Leur migraine enfla, leur tête éclata, comme un fruit mûr qu’on presse pour en faire de l’huile.
 C’est horrible.
 Et que croyez-vous qu’il se passera ici ? Lorsque l’île sera à point, tous ses habitants périront, sauf celui qui, comme moi, aura gardé assez de doute pour s’être assez méfié et, conjointement, assez d’énergie pour se sauver avant qu’il soit trop tard. Oui, monsieur, cette île finira elle aussi posée sur un coussin, dans la collection personnelle d’un autre gouverneur, d’un autre maire assez aveugle pour ne pas voir à quel rouet mortel il s’est piqué le doigt !
 Le maire ne peut être assez fou...
 Il l’est, monsieur. Le philtre de ce sorcier a de multiples effets, celui d’empeser tout esprit critique et d’engourdir la raison n’étant pas des moindres. C’est pourquoi je m’adresse à vous, vous qui êtes encore assez réveillé pour percevoir la lourdeur de l’air ambiant, et pour avoir du mal à trouver un sommeil que tous les autres ont convoqué instantanément.
 Mais alors qu’attendez-vous de moi ?
J’ignorais que ce petit homme si mal replié allait me précipiter dans une aventure sans pareille, aventure dont je ne suis pas sorti au moment où j’écris ces lignes. Un imprévu me force à écourter. Gardons la ligne Camille !

Votre dévoué Gaspard.

***

Mon cher Gaspard,

Des îles sur des coussins – je viens de relire vos lettres – il est bien vrai que le monde est étrange et que les lois de la physique nous sont encore méconnues. Je ne doute pas qu’un jour prochain, une sorte de Newton ne parvienne à expliquer scientifiquement ce rétrécissement. Les histoires de sorcier ne valent rien à la civilisation : quand on peut s’en débarrasser, il est préférable de le faire : géologues, astronomes et chimistes sont là pour ça. Avez-vous pensé à vous procurer un échantillon de l’effet que produit ce philtre épouvantable ? (J’entends par là, sans doute : dérober une de ces îles dans la collection du maire – c’est peut-être mal, mais la science nous oblige – à défaut d’herboriser, ce n’est toujours qu’un prélèvement – il devrait être possible d’étudier le phénomène en laboratoire ; en cela, il présente un avantage sur les bouleversements cosmiques).

À ce propos : existe-t-il une morale politique à votre fable ? Il ne s’agit pas d’une fable, je le sais bien, mais vous avouerez qu’il est bien tentant de regarder l’étrange en moraliste.

J’ai beau jeu de faire de l’esprit, ou de me mêler d’être philosophe quand vous parlez d’aventure, d’homme à secourir et d’imprévu. Dites-m’en plus et que le ciel vous préserve de diminuer la taille de votre navire en buvant quelque chose d’inadéquat.

Je vous raconterai demain la rencontre que nous avons faite d’une créature des mers – c’était il y a peu – pour le moment, calme plat.

Votre dévoué,

Camille

PS : Je ne désire pas que vous m’en disiez plus au sujet de Guillaume. Une autre fois, ou quand cela ne me fera plus rien de penser à ma mère, à ma tante et à cette armure de conquistador. Je ne sais pas si cela arrivera un jour.

***

Mon cher Camille,

Un bonheur de trouver votre lettre dans l’océan d’ennui où je navigue depuis de longues semaines. Je relis votre question. Une morale ? Je m’en suis souvent méfié, persuadé que la morale des fables elle-même n’est que la fable d’une morale plus profonde, laquelle aime à se déguiser en fable, et ainsi de suite. J’ai le goût du vertige, sans doute, et le sol en ciment de la morale me tue le plaisir de tournoyer dans la lecture. Mais votre question infuse. Peut-être avez-vous touché du doigt l’un de ces points qui font la rose des vents de mon histoire.
Concernant votre suggestion, comme vous me devancez ! Car c’est en effet ce que je fis, suivant les conseils de l’homme en costume.
 Il faut mettre un coup d’arrêt à cette folie, car la folie se propage, me dit-il, continuant d’argumenter alors que l’expression de se son visage et la lueur dans ses yeux m’avaient déjà gagné à sa cause.
 Elle se propage, en effet, répondis-je songeur, comme en écho. Sans doute, déjà, l’engourdissement gagnait mon esprit.
Il me réveilla en claquant des deux mains juste sous mon nez.
 Comme un fluide, monsieur, la folie obéit strictement aux lois de leur mécanique. Elle se répand et s’amplifie, elle fait tache d’huile, et nul clinicien ne peut l’enfermer dans ses rets. Tout juste peut-il observer les formes de sa propagation.
 Si nous n’y pouvons rien, pourquoi lutter ?
Vous me connaissez, Camille, et vous savez le dynamisme de mon tempérament et cette impatience de chaque instant qui le caractérise et qui m’a conduit bien des fois à donner des coups de tête dans le vide et à défoncer des portes ouvertes. Mais enfin personne n’a jamais pu prendre Gaspard Bromzières en flagrant délit de mollesse ou d’apathie. Eh bien là, au milieu de cette place noyée d’ombre où glougloutait la fontaine, et qui semblait autour de moi se rétracter lentement, vrillant ses lignes de pavés comme les pales d’une hélice, je me sentais fondre, et mon énergie avec.
Le petit homme me secoua par le plastron.
 Luttons pour vivre, tout simplement, ou pour vos camarades, qui dorment d’un sommeil trop profond, et qui préférerons se réveiller dans la vie que dans la mort. Luttons pour lutter ! Pour refuser de se laisser coincer et que quelqu’un serre le collier.
 Alors que faire ?
Son regard étincela comme un couteau dans la manche :
 Pour enrayer le processus, monsieur, il n’y a qu’une seule chose à faire. Casser le cercle.
 Le cercle ?
 Le cercle de l’esprit de collection.
 J’ai peur de ne pas comprendre.
 D’autant que votre cerveau rétrécit lui aussi, monsieur, comme un fruit qui fripe, ricana-t-il. Rompre le charme, voler la collection du maire, et la rendre à l’océan. Lâcher les îles sur l’eau, là où est leur place, au lieu de les laisser s’enkyster sur ces coussins grotesques !
 Vous pensez qu’elles reprendront leur taille ?
 J’en suis sûr. Arrachées au sortilège, elles se décongestionneront, elles détendront leurs plus profonds ressorts, lesquels ont presque fondu à force d’être comprimés.
 Et le charme ainsi sera rompu ?
 Absolument. Les charmes sont des cercles. Dans la cour de récréation, un coup de semelle rompt l’enchantement du cercle de craie. Il en va de même ici. Mais il n’y a plus une seconde à perdre.
 Et mes camarades ?
 Vous les retrouverez. Et ils seront à la fois en vie et reconnaissants de l’être.
Je vous passe, cher Camille, les manœuvres du monte-en-l’air, comment nous nous faufilâmes dans l’hôtel de ville, glissâmes les îles dans sa gibecière, filâmes de rue en rue dans la nuit finissante, comme des bandits qui fuient l’aube des sirènes de police. Tout autour de nous, les murs semblaient se rapprocher, et ils se rapprochaient en effet, je le jure : sur la fin, au moment de déboucher sur le port, la toile de mon habit frottait des deux côtés. Et d’ailleurs, ce n’était plus un port, mais un moignon de port, grotesque car tronqué, appendice de quelques pavés pendouillant sur l’eau noire.
 Montez sur cette chaloupe et ramez !
 Vous ne venez pas ?
Les yeux du bonhomme s’embuèrent :
 Seul un navigateur fraîchement débarqué peut s’échapper de l’orbe maléfique. Pour les survivants comme moi, c’est trop tard. Je nous ramènerais au port comme un élastique. Non, mon seul espoir c’est vous : prenez le large, posez les îles sur l’eau, laissez faire le vent et l’eau. Ensuite tout sera consommé.
 Je reviendrai une fois ma besogne faite, pour retrouver mes hommes et vous saluer.
Je serai heureux alors de vous féliciter.
Dix coups de rames plus tard, j’étais déjà à quelques encablures de l’île rabougrie. Mais le plus extraordinaire restait à venir. Laissez-moi prendre le temps de vous le raconter dans ma prochaine lettre. En attendant, sachez simplement, Camille, que je brûle d’en savoir davantage au sujet de cette créature, tant il est vrai que le grand plaisir du navigateur, outre celui d’arpenter des îles et de recenser des vagues, est bien de croiser des créatures nouvelles, qui lui rappellent que le monde est sans cesse renouvelé et le scepticisme toujours pris en défaut.

Votre Gaspard,

***

Mon cher Gaspard,

Vous souvenez-vous d’Ulysse ? Il ne manquait pas d’imagination ; et son exemple n’a pas manqué de m’inspirer l’autre jour, quand nous avons été confrontés à un phénomène qu’Homère a rapporté dans l’Odyssée.

Je regardais à la proue quelque chose qui avait attiré mon attention ; inutile de dire que j’étais incapable, à cause de ma mauvaise vue, de distinguer clairement ce dont il s’agissait. Je déployais ma lunette télescopique, sans parvenir à me faire une opinion sur ce qui, à quelque distance du navire, provoquait une série d’éclaboussures. L’animal (je supposais qu’un animal en était la cause – quoi d’autre ?) suivait une trajectoire semblable à la nôtre, voilà tout ce que je pouvais estimer.

- De quoi s’agit-il ? fis-je à l’intention du vieux Barnip qui se tenait près de moi, accoudé au bastingage.

Je lui tendis la lunette. Il y jeta un œil et affirma :

- D’un téthyphore.

Barnip est un vieux loup de mer. On peut lui faire confiance. Je hochai la tête, repliai ma lunette télescopique et m’enquis de ce que diable pouvait bien être un tétyphore dans un océan.

Ah ! Gaspard ! Si j’ai appris à le savoir, mes poignets meurtris s’en souviennent ! Vous comprendrez plus tard, parce qu’à cette heure, je dois remplir un engagement que j’ai pris, justement, à l’issue de cette aventure dont je vous fais part.

Dites-moi, s’il vous plaît, cette chose extraordinaire que vous mentionnez.

Votre,

Camille de Riveblême.

***

Mon cher Camille,

Comme il me tarde d’en savoir davantage !
Car enfin, qu’y a-t-il de plus mystérieux et évocateur que ce mot, « téthyphore », surtout lorsque vous êtes englué dans l’océan sans un dictionnaire et sans un Barnip à portée de main !
Je vous écris seul, dans un brouillard laiteux, sur une mer d’huile, assis sur le banc. Tableau sans relief, marine épaisse, je n’agis plus et ne suis qu’un motif parmi d’autres. Jamais je n’ai autant eu l’impression de faire partie du décor. Sans la consolation de votre lettre et l’élan de la mienne, je crois que je pourrais mourir d’ennui.
Voilà trois jours en effet, que je dérive sur une mer sans éclats, sans folie, inoffensive, à faire passer le lac de Pannetière pour le Cap Horn. Mes voiles abattues sont au diapason du moral, et pendent comme des gants de toilette. Nul téthyphore, nulle créature dans ces eaux sans malice.
Il en va ainsi de l’aventure, me direz-vous. Un jour on frôle la mort, le lendemain ou l’oublie. Le lundi on danse sur le volcan, et le mercredi on ronfle dans une chaise-longue. Sans doute faut-il profiter de ces moments creux pour refaire son eau et s’accorder les nerfs. Car qui sait, peut-être la mer s’ouvrira-t-elle demain en deux comme un rideau de théâtre, révélant des îles hystériques, et il sera bien temps alors de protester et de rêver à l’ennui de la veille.
Mais je m’apitoie, et vous attendez de connaître la fin de mon aventure. En guise de fin, ce n’est qu’un début.
Vous vous souvenez, Camille, que je m’étais éloigne de l’île ratatinée, emportant avec moi la collection d’îles réduites de son maire. Et vous vous souvenez qu’il était convenu avec le mystérieux bonhomme que je les rendrai à la mer, comme on rend sa liberté à un animal trop longtemps captif. Et bien c’est exactement ce que je fis, et la surprise dont je vous parlais n’est pas là.
Car sur l’eau, une fois hors d’atteinte, je déposai bien une à une, comme des nénuphars, lesdites îles sur l’eau. La mer était presque aussi calme qu’aujourd’hui, et la manœuvre avait des allures de petit rituel, comme lorsque les enfants déposent, à la Sainte Pascalune, des fleurs dans le courant et les regardent s’éloigner à la lumière des cierges.
Un rituel, en effet, mais immédiatement efficace. Car je sentis tout de suite que la mer, au contact, réagissait.
A chaque dépôt, l’eau déploya autour de l’île une large corolle de cercles excentriques, comme si chacune pesait sur elle plus lourd que sa modeste taille l’aurait laissé supposer, et que le poids de l’île originelle se trouvait toujours là, latent. L’eau, dit-on, a de la mémoire. Et je crois me rappeler que la masse et le poids sont deux choses différentes, et vous saurez sans doute me le confirmer, car j’ai souvenir qu’en cours de sciences, lorsque ma sieste me laissait un peu de répit et que j’ouvrais l’œil, vous étiez, vous, bien réveillé Camille, et ne perdiez pas une miette de ce savoir qui me fait désormais cruellement défaut.
Mais rien ne sert d’échafauder des théories quand on n’a ni marteau ni clous pour cela : je déposai les îles, la surface de la mer tressaillit à chaque fois et, vous me croirez peut-être, comme j’essaye de le croire moi-même, j’entendis à chaque fois comme un soupir, un chuchotis d’eau et de vent, une exhalaison. Un frisson serait peut-être le mot. La mer me révéla la peau de ses vagues comme un épiderme infiniment sensible. Bien sûr, les vagues ont une surface. Bien sûr elles sont gainées d’eau, sans quoi elles se déverseraient par le haut, dans tous les sens, n’en déplaise à notre professeur de sciences et à sa loi de la gravité dont je ne me souviens plus du détail. Je ne plaisante qu’à moitié : l’eau, la mer, m’apparut alors comme un corps, un contenu dont il est lui-même le contenant, enveloppé d’une peau d’eau ; Les vagues sont des muscles Camille, des muscles qui, sous nos yeux, roulent des mécaniques.
Alors me direz-vous ? Alors c’est là que se produisit l’événement dont je vous parlais. Car le frisson passé, le temps sembla se suspendre. Le vent se tarit. La rumeur de l’océan fut coupée nette.
Et soudain, sans préambule, les îles éclatèrent comme des fruits mûrs.
Oui Camille, d’un coup d’un seul, elles reprirent leurs prérogatives, leur taille et leur voilure, et leurs arbres sautèrent comme des ressorts de matelas qu’on décomprime, envoyant au vent mille et un cris d’oiseaux, de singes, de bestioles compressées avec le tout, contraintes de survivre dans le tas comme des insectes à la vie lente. Soudain, ce fut une formidable clameur, un vivat de champagne qui saute, une libération. Et sur la mer il y a peu si délicate, désormais labourée et chahutée, chacune de ses vagues musculeuse attendrie comme un tentacule à coups de marteau, c’est tout un archipel qui déploya sa ribambelle, les unes rebondissant sur les autres comme ces bateaux tamponneurs de la fête foraine, lesquels s’envoient dans les cordes du manège afin d’y rebondir. Mais là, pas de cordes et pas de manège Camille : l’océan laissa s’épanouir l’archipel et y déployer d’un coup ces mondes hétérogènes. Car chaque île avait été piochée dans une partie du monde, et chacune offrait une flore, une faune et des surprises fort différentes.
Je plantai ma barque dans un plage et entrepris de visiter la première.
Imaginez mon vertige, Camille : j’étais le Robinson d’îles multiples, de mondes en accordéon !
Je vous dirai bientôt ce qui se produisit sur la première. Mais d’abord, ce téthypore !

Votre Gaspard