127
Pourquoi le cœur étrange
Et la mer bleue de bleu ?
J’ai plumé la mésange
Et le ciel est pluvieux
Toujours le cœur mélange
Son brouet d’os et d’yeux
Le jour est tout à Dieu
La nuit Satan vidange
L’abeille au taux de change
A pris trois points de mieux
Et le miel est plus vieux
Sa couleur est orange
J’ai fini les vendanges
Mon pinard est moelleux
Et le vieux Richelieu
Se prend pour un archange
128
Il est venu il est venu
J’étais pas là j’étais plus loin
J’étais matelas sous les reins
J’étais fauteuil dessous le cul
Il était là il était bien
Il avait l’air d’un os à chien
Moi j’en rêvais j’attendais l’heure
J’ai oublié l’horodateur
J’ai oublié de qui de quoi
L’eau et la paille et l’os à moelle
J’ai déserté la niche en bois
J’ai passé mon beurre à la poêle
J’ai saucé du doigt la surface
Le résultat est dégueulasse
Tant pour l’oiseau que pour la fleur
J’ai oublié ton nom par cœur
129
A force de tourner la clef
Il l’a cassée il l’a cassée
A force de tourner la clef
Dans la serrure elle est coincée
Faut pas forcer faut pas forcer
Ça sert à rien de s’escrimer
Faut pas forcer faut pas forcer
La serrure elle est bousillée
Autant repeindre autant repeindre
La porte couleur de son mur
Autant repeindre autant repeindre
Sans tralala sans fioritures
Peut-être un jour on va l’ouvrir
Si quelqu’un d’autre en a la clef
Peut-être un jour on va l’ouvrir
Faut pousser de l’autre côté
130
La serre est volatile
Et les oiseaux débiles
Je cueille la fleur noire
A fleur de nénuphar
La scène est difficile
L’oiseau devient un os
Mon cœur est un fossile
Le pied manque au colosse
La pluie pleut en hachures
La jungle est parfumée
Le rêve est rehaussé
De ses enluminures
La serre est rétractile
Et la nuit est mobile
Le jardin se replie
Comme un grand parapluie
131 Jeux de mots
Le grand albatros
Soupèse le sein
De son galbe atroce
Le grand fantassin
Dégonfle la bosse
De sa fente à sein
Et les mousquetaires
Font coucher les crosses
Et les mousquets taire
132
Dans le cosmos
On jette un os
On jette un œil
Dans le cercueil
Dans l’antichambre
On se démembre
On la dépouille
Sa peau d’andouille
Dans l’au-delà
On s’expédie
Cahin-caha
Tout désuni
Puis bout à bout
A fond du fond
On se recoud
Tout l’édredon
133
La plonge la plonge
La plonge au caisson
L’éponge l’éponge
L’éponge au siphon
S’allonge s’allonge
Et forme un bouchon
Mensonge mensonge
Conte pour les cons
134
Y avait du sang dans la soupière
Et du cerveau dans le pâté
Rien n’est truqué et tout est vrai
Le Grand Machin s’en va-t-en guerre
On tire au sort pour y aller
C’est Grand Machin qui veut y aller
Il prend le chapeau à son frère
Il part à sa place à la guerre
Il en revient tout abîmé
Sa femme a épousé son frère
Il veut recoller sa moitié
Y met du sang dans la soupière
Sa femme ne sait auquel plaire
Ils se tuent à l’aube au fleuret
Dessus le pré dans la clairière
L’un contre l’autre poignardés
Y a plus de sang dans la soupière
Y a plus de gras dans le pâté
L’amour aujourd’hui est truqué
Il nous faudrait une autre guerre
135
J’ai Nébuleuse
Dans mon paquet
La dame odieuse
Et son long nez
Et toi Vestale
La femme à barbe
Mémé Rhubarbe
Avec son châle
Voici l’archonte
Le roi Patate
L’amour dilate
Sa bite en fonte
Si l’on retourne
Tout le paquet
Alors ristourne :
Il est caché
C’est le joker
Qui tout explique
Qui pend en l’air
A l’élastique
136
Il n’avait rien à dire
Et il le dit quand même
Il trempa dans la crème
Son cochon-tirelire
Il n’avait rien à croire
Mais il le crut pourtant
Il posa sur ses dents
Une grille d’ivoire
Il n’avait rien pour lui
On le traitait d’eunuque
Il se le tint pour dit
Et changea de perruque
Il devint roi des rois
Couronné par des ânes
De Brest à Charleroi
Jusqu’au Haut-Bactriane
Il cherchait son zénith
Il marcha sur sa bite
Et chuta au Nadir
Avec son rond-de-cuir
Il devint roi des paons
Couronné Rantanplan
De Brest à l’Italie
Jusqu’en Mauritanie.
137
Caillou dans ma chaussure
Blessure blessure
Blessure à mon pourpoint
Javelot dans l’armure
Fêlure fêlure
Coquille d’œuf au coin
Dis la bonne aventure
Nervure nervure
Feuille de romarin
Dépouille-moi la main
Torture torture
Tortue dans le jardin
Ferme le livre ancien
Reliure reliure
Reliure en peau d’humain
138
J’ai traversé la montagne
De part en part
Mis des bulles au champagne
Bu mon cigare
J’ai éclusé le potage
A la volée
Et j’ai trié les nuages
Où j’ai volé
Je reviens en Charlemagne
Bien couronné
Roi d’un pays de Cocagne
Sans un sujet
139
Tire au dé
Fais merveille
Moi je veille
Au cornet
Fais un strike
Je fais dring
Des loopings
En public
Pose un as,
Assassine
C’est la mine
Ananas
Sois de mèche
Et découche
Moi je pêche
A la mouche
140
Il a mis son imper
Il a pris sa sacoche
Le printemps était moche
C’était un jour impair
Il a pris le métro
S’est fait fouiller les poches
Et tout piquer fastoche
C’était un jour de trop
Dans la rue un gavroche
Cria à son approche :
« L’empereur est fantoche
Qu’on le passe à la broche »
Il était bonne poire
Il mourut sans le croire
D’un seul coup de mailloche
Sur sa tête de pioche
141
La ligne est très précise
Mais la nuit, imprécise,
En nouant le circuit
Fait des cercles des huit
Dans le soir chaque halo
Est pris comme au lasso
Comme un astre embossé
Dans le bouillon poché
La ligne a sa balise
Mais la lampe indécise
En suivant le chemin
Fait des nœuds de marin
142
Dans la chaîne un caillot
Dans le sang un maillon
Le marteau est Légion
Le cœur est dans l’igloo
La porte est en nylon
Et les bas en laiton
Galbent la cuisse drôle
D’un bibendum en tôle
143
Drame
Un
Point
Deux
Yeux
Trois
Doigts
Quatre
Quatre
Cinq
Punks
Six
Bis
Sept
Têtes
Huit
Nuits
Neuf
Veufs
Dix
Cris
144
J’ai tout donné à l’or
Celui des nuits qui dorent
La feuille au bikini
Qu’on enfile à l’aurore
J’ai tout repris depuis
L’élastique et l’ennui
Le cœur de la citerne
Et l’œil dans la caverne
145
Je suis cuit à la meule
Et rôti au linceul
J’ai l’esprit en quinconce
Le cul sorti des ronces
Mon cœur est épagneul
Et il tient dans sa gueule
Un œuf blanc comme un os
Un tibia albinos
Je suis pâté de tête
Je connais la recette
Qui démoule en rillettes
L’essentiel du squelette
146
Quand tout me désespère
Et que l’eau cuit la terre
Et que la terre est molle
Comme le guacamotl
Je fume de l’éther
Et je bois du peyotl
Et je vois des lucioles
Au lieu des réverbères
Alors je suis au bal
Et je danse à la nuit
Je suis Quetzacoatl
Toi Huitzilopochtli
Je dialogue en Nahuatl
Avec la Demoiselle
Et je fais la vaisselle
Avec le Moloch Baal
Oh je suis Gargamelle
Et toi la Chanterelle
Qui découpe selon
Sa silhouette en crépon
147
Dieu a des dents
Et des cheveux
Et son adorateur
Le coiffe avec des gants
Et même mieux
Avec le cœur
Il est poché dans le bouillon
D’éternité
Tout au nord sa planète
A gelé
Dieu est un flan
Plein de pruneaux
Et son pâtissier beurre
Le plat d’horizon blanc
Plein de grumeaux
De sel de fleur
Il est troublé par un enfant
Il a tremblé
Comme au bord de l’assiette
La gelée
148
Je te tiens par l’exosquelette
C’est le premier qui rit qui meurt
C’est le dernier qui crie qui pète
C’est de l’humour d’horodateur
Je recommence au début
C’est plus simple et tout est clair
Car tous les jeux n’ont qu’un but
Faire un motif circulaire
Je te tiens par l’éthylomètre
La demoiselle a disparu
Écoutez le garde-champêtre
C’est le dernier à l’avoir vue
Je recommence au début
Ça transforme le décor
Car tous les jeux n’ont qu’un but
C’est gagner contre la mort
149
C’est le premier poème
De la série
Le premier stratagème
Tout le reste a suivi
C’est le dernier poème
Que j’ai connu
Le premier chrysanthème
Tout le reste a fondu
150
J’en parlais à la nuit
Elle était confidente
Son oreille était lente
Mais nerveux son minuit
Je lui disais des choses
Elle était noire et rose
Traversée de halos
Percée de chalumeaux
Je parlais à la nuit
Me croyais entendu
Mais la belle endormie
Ne m’a pas répondu
Je lui dirais plus rien
Elle était bleue et rouge
Travaillée à la main
Et creusée à la gouge
151
Sous les lucioles
Sous les lucioles
Plante tes fumerolles
Bois de l’alcool
Bois de l’alcool
Déploie sa banderole
La vie t’encolle
La vie t’encolle
Travaille à la chignole
Bois de l’alcool
Bois de l’alcool
Creuse la coupe au bol
152
La nuit s’installe
Dans la grand salle
Met ses colis
Sur le tapis
Déplie ses fils
Et ses pistils
Et ses rubans
Au firmament
Fait coulisser
Ses éléments
En noir et blanc
Bien ajustés
Reprend l’espace
Comme on déplace
Les pions sculptés
Sur l’échiquier
Et la nuit pèse
La lune obèse
Éclaire au long
Sur l’horizon
Il faut attendre
Pour voir à l’aube
Le soleil fendre
Son pli de robe
Puis à son tour
Troquer sa tour
Et son beffroi
Contre le roi
153
La mer est un songe
Les poissons sont peints
Sur un bol d’étain
Le ciel la prolonge
Et déplie son rien
Les oiseaux sont feints
L’œil est une éponge
La larme un mensonge
Le cœur un moyen
154
Qui se lève à l’aube
Et mets son nez froid
Avant le pied droit
Décaisse sa robe
Son valet la boit
Comme un vin de noix
Puis bat des haltères
Comme un oiseau vert
Ou un gros microbe
155
Vais-je recommencer
La menotte à six doigts
Et le dieu qui compote
Dans son nez ?
La vérité gigote
Comme un trou dans l’acier
Un cobra dans la botte
Dégoûté
Vais-je tout décaisser
L’écrevisse en tricote
Et Satan qui complote
Tout exprès ?
La vérité gigote
Comme un loup dans l’évier
Comme un chat dans la glotte
Égoutté
156
Il jette son armure
Et revêt son armoire
Se présente au parloir
Du palais des murmures
Chacun de ses tiroirs
Est rempli de morsures
Et dessous la ceinture
Il porte un slip d’ivoire
Il dénoue son bavoir
Et résout sans bavure
Chaque énigme le soir
Que le sphinx lui susurre
Chacun de ses miroirs
Est rempli d’imposture
Et dessous la figure
Son sourire est tout noir
157
Papillon d’albumine
Qu’un rayon alumine
Et souligne au phosphore
Méduse en crinoline
Qu’un malaise enlumine
Comme un lampadophore
Chemin de mousseline
Que la torche dessine
Dans la nuit incolore
158
La boussole a fondu
Dans le noir de ton fût
Comme un œil qui fait loupe
Car tout est confondu
Et je vois dans ton cul
Comme un trou dans la soupe
159
J’ai cueilli la fontaine
A la fleur de son œuf
Et le fleuve était neuf
Comme un catéchumène
N’êtes vous jamais las
Dit messire à la truite
De vous prendre des cuites
Avec du vin de noix ?
Que nenni dit l’oiseau
Aux écailles de plâtre
Je préfère m’ébattre
Au soleil qui prend l’eau
J’ai beurré la tartine
A la sueur d’emmental
Et sa tranche était fine
Comme un papier journal