BRIMBORIONS EN RETARD Signes, intersignes, coïncidences, ou pas

Suis une voiture. C’est marqué à l’arrière : “Pourquoi me suivez-vous, je suis aussi perdu que vous.”

Dans la salle d’attente du dentiste, on entend toujours de la musique classique légère, légère et là, paf, le sacre du printemps, le passage un peu death-metal, bien martelé. Seul sur ma chaise, j’ai l’impression d’être un chrétien qu’on va jeter aux lions.

Le dentiste a lu “J’aurai ta peau Dominique A”. “C’est curieux, dit-il, justement, hier quelqu’un a tiré sur le chanteur de rap La Fouine.” Et il ajoute, songeur : “Drôle de coïncidence.”

Déménagement du piano. Le type arrive, sonne à la porte et regarde, consterné, les trois marches de l’entrée. “Il faut monter ça ?” dit-il, abasourdi.

Il lève les bras au ciel, apostrophe l’autre déménageur, qui a la carrure d’un ancien boxeur, se tape le front. “Il va falloir, vraiment, inventer quelque chose, Raymond.”

Finalement, le piano passe. Il me regarde, épuisé : “Pourquoi faut-il que vous jouiez du piano, et pas du pipeau ?”

En partant, il dit : “Le truc incroyable avec les pianos, c’est qu’il faut toujours tout réinventer.”

Sur la route, une souris coupée en deux, éviscérée. Juste après, une dame enceinte qui marche péniblement, en se tenant le ventre.

Enterrement de T. Je me glisse dans la salle où elle repose. Elle a tellement maigri qu’on ne la reconnaît plus. Seules les mains sont restées normales, mais extraordinairement blanches.

“Aime les hommes, mais garde toujours la main sur la poignée de ton épée quand tu ne les connais pas. Un jugement ne doit jamais partir du coeur sans avoir été contrôlé par l’expérience.” Mac Orlan, L’ancre de miséricorde

Lu dans le petit manuel du parfait aventurier, de Pierre Mac Orlan :
“Installé dans un appartement confortable comme un noyau au centre d’un fruit...”

“Les livres d’aventures sont dangereux. Je fais exception pour les livres de Jules Verne, qui, totalement dépourvus d’art et de sensibilité, ne peuvent séduire que des apprentis botanistes. La terre vue par Jules Verne est ainsi qu’un immense Jardin des Plantes où chaque animal porte une étiquette à son cou, et chaque plante une fiche en français et en latin avec un numéro d’rodre pour l’herbier.”

“A consulter l’Histoire des Aventuriers, des Flibustiers et des Boucaniers d’Amérique, par Oewmelin, avec les cartes, le frontispice et le portrait d’un animal mou en forme de cachalot.”

“Voyez ce petit crabe couleur de beurre, entouré d’ornières profondes comme des vagues solidifiées : c’est un cabaret breton de la Côte.”

“La pensée – un des rares moyens de transport qui ne soit pas en commun.”

“L’heure du crime n’a aucune importance dans un roman d’aventures. Ce détail ne peut intéresser que les maniaques de l’horlogerie.”

“La terre est une vieille prostituée. Elle se vend partout.”

“La sensibilité s’abolit très vite devant des spectacles de cruauté répétés quotidiennement.”

Mac Orlan, Courbet :

“L’homme est seul devant la vie végétale, la vie minérale et la désespérante féerie des galaxies.”