BRIMBORIONS DE MARS A JUILLET Signes, intersignes, coïncidences, ou pas

Dans le train un type, les yeux fermés, le casque sur les oreilles, qui chante tout fort, par saccades : “Je suis un é-va-dé !”

Puis silence. Et tout d’un coup : “Je suis un é-va-dé !”

Il déambule, revient s’assoir, fume entre les wagons, revient avec une bière. Il chante en mimant la guitare : “J’fais des trous, des p’tits trous...”

Au wagon-restaurant, une dame se plante devant le serveur et débite d’une voix tremblante, articulée, lente, très forte, pleine de panique : “Alors voilà monsieur je vous expose mon problème je souhaiterais savoir s’il est possible d’avoir juste de l’eau bouillante pour mon nescafé sans pour autant payer le prix d’un café car j’ai ici une dose de nescafé et je souhaiterais simplement la consommer merci de me répondre monsieur et si vous êtes d’accord de verser l’eau dans un gobelet monsieur.”

A côté de nous, dans le train, un jeune élève DRH qui discute avec un collègue de promo. “Non, j’irai jamais bosser à Brest, même si on me propose 5000.”

“T’es jamais allé au meeting Areva ? C’est trop cool. Moi, rien qu’avec les T-shirts promos qu’ils offrent, ça me fait ma semaine.”

Il note un mail sur un coin de journal. “Tu vois, dans 40 ans, je serai DRH chez les bétons Lafarge, et je ferai des conférences, et je leur dirai : “Hé les jeunes, vous savez, tout est parti d’un simple bout de papier.”

Le contrôleur annonce que suite à une rupture de caténaire, le train aura 11 minutes de retard. Le jeune futur DRH s’énerve : “Ah j’te jure, s’ils étaient payés aux neurones, à la SNCF, ils gagneraient pas lourd !”

Thomas s’agace : “Excuse-moi, mais ce serait mieux si tu pouvais te taire, et puis ça fera pas avancer le train plus vite.”

Emprunté les oeuvres complètes de Henri Michaux à la bibliothèque. Je les garde, puis je les réemprunte quinze jours de plus. Je les lis à peine, et surtout les notes biographiques, mais j’ai beaucoup de mal à les rendre.

Lettre de G.Henein à H. Calet : “Michaux est depuis 3 semaines en Haute-Egypte, et il se plaint de la taille des monuments à son avis tout à fait insuffisante.”

Thérèse de Saint-Phalle à propos de Michaux : “Sa chambre était située au-dessus de la mienne. J’entendais ses improvisations. Des nuits entières, il inventait une musique désespérée, danses d’insectes au piano, rythmes tibétains, tam-tam semblable à celui qui se répercute entre les arbres de la forêt.”

Si Henri Michaux avait eu un magnéto quatre-pistes, ou même un dictaphone, ses oeuvres complètes auraient été augmentées d’un coffret de 30 CDs (au moins).

Idées de fautes : “Elle était pleine debout”, “Ils étaient fiers des crimes qu’ils comète”, “Monsieur machin fait éruption au milieu du salon”, “Il affichait un sourire foncé”

Sur une plaque de cuivre dans la rue : “Anne Adélaïde”. Je crois que c’est une voyante. En fait un avocat.

Intervention à la maison d’arrêt. Je retrouve le jeune type qui avait participé à l’atelier de la dernière fois. On se serre la main : “Ca fait un moment qu’on s’est vu, non ?” “Ah oui, au moins...” “Ca fait bien deux ans...” Et je réalise qu’il est là depuis tout ce temps.

En prison, un type d’une cinquantaine d’années : “Maintenant, il n’y a plus que des vendeurs de drogue. Nous autres les voleurs on est montrés du doigt.”

“Quand on arrive en taule, les gardiens nous ouvrent en grand les bras : “Ah, enfin, des voleurs !”

En rentrant de Saint-Renan en voiture, je fais la course avec un gros bourdon.

Arthur : “C’est marrant, pour les voitures, ils font de plus en plus des phares en forme d’yeux méchants.”

On va à Laser game avec Arthur et Naïl. On croise un type qui parle tout seul (peut-être qu’il a une oreillette et qu’il parle au téléphone). Le type commence à s’énerver et à crier. Naïl s’arrête et se retourne, le regarde. Le type commence à l’apostropher. Je prends Naïl par la main et lui dis de venir. Il demande : « Qu’est-ce qu’il a ? » Arthur dit : « Il est saoul. » Et moi : « Rien, il est juste fou. » Et pendant qu’on s’éloigne, le type crie : « Non, je ne suis pas fou ! Je ne suis pas fou ! »

Hier, sur la place Guérin, un type torse nu, costaud, bourré, bière à la main. Il est énervé. Comme d’habitude, personne ne fait attention à lui. Il hurle à la cantonade : « Ah ben voilà, ça y est, c’est malin, maintenant elle est partie ! » Et il donne un grand coup dans une poubelle.

Sur le chemin de la gare, vu : à une fenêtre, une main de femme avec une cigarette, l’autre tenant « la première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules » ; sur un mur très en hauteur, au dessus du centre coat ar Gueven, un tag : « Génius ». Et un autre truc dont je ne me souviens pas.

Passé devant le magasin « La cage aux trolls », vide. Juste un panneau « à louer ».

Devant, une voiture garée sur le trottoir. Dessous, du sang séché, ou alors des flaques de tomates écrasées.

Dans le train, sur l’écran défilant : « Ce train est à destination d’ »

A Landerneau, tag : « Maintenant, je suis un vrai petit garçon. »

Je me souviens : un type sur le quai de la gare, avec un tatouage à moitié effacé sur l’avant-bras. Peut-être du feutre indélébile ?

Gare de Rennes. Je m’attend à rencontrer quelqu’un et je rencontre Roland. Il revient de deux concerts de Sexy Sushi. Sur scène, il porte un masque de catcheur.

Dans le train, l’impression qu’une femme de type asiatique me prend en photo.

A Nantes, pendant qu’on attend que le train s’arrête, un type qui se tient à ma hauteur me fait tout un cours sur Philip Roth parce qu’il vient d’apercevoir « Portnoy et son complexe » dans mon sac à côté de moi.

Ensuite, intarissable, il m’explique le fonctionnement de la Sofia et ajoute qu’il milite pour qu’on reconnaisse les droits des traducteurs.

Je le retrouve dans le train pour Bordeaux. Si ça se trouve, c’est un des auteurs avec qui je suis invité, et il se rend aussi à la Rochelle.

Une dame désagréable, qui parle fort toute seule. Une fois assise, elle se plaint qu’une autre dame passe avec sa grosse valise. « Hé, attention », « excusez-moi, mais je ne peux pas passer », « hé oh, les valises, faut les laisser à l’entrée du compartiment ! »

Après, elle prend les gens à témoin, qui lui sourient poliment mais tristement. Et puis elle boit du coca.

Cette nuit, rêvé que j’étais en prison en attente de jugement. Et puis juste avant, un serpent est sorti de mon pied.

Dans la rue, un groupe de jeunes filles passent. C’est un enterrement de vie de jeune fille. L’heureuse élue est déguisée et porte un énorme phallus gonflable.