BRIMBORIONS D’AVANT LE PRINTEMPS Signes, intersignes, coïncidences, ou pas

Salle d’attente du laboratoire d’analyses médicales. Une dame se présente à la secrétaire : « Quelle est votre date de naissance ? » La dame répond, avec fierté : « Le 25 », et elle précise : « Le 25/5/55 ! »

Et, pendant que la secrétaire la note, elle ajoute, index levé : « et dans le 35 ! »

Plus tard, un monsieur se présente à la même secrétaire. Il fait semblant d’être relax, mais il est sur la défensive. Au bout d’un moment, il pose une question sur son dossier médical, fait l’étonné, regarde l’écran en biais par-dessus le guichet : « Ah ? Non, c’est une information que je n’avais pas... »

Il sous-entend qu’on aurait pu lui donner l’info : « C’est un peu personnel ».

Il s’agace : « Ce n’est pas contre vous, madame, je sais que c’est une information anodine, mais enfin quand même... »

La discussion se poursuit sur plusieurs points du dossier et sur les informations qui y sont notées. Il trouve le principe intrusif. D’une certaine manière, en l’obligeant à répondre aux questions, on entrave sa liberté. Elle lui explique qu’il n’y a rien qui entrave sa liberté dans ce dossier, que c’est même le contraire, ça lui facilite les formalités. Il n’en est selon elle que plus libre. Il est piqué au vif : « non madame, ce n’est pas ça la liberté ! C’est l’illusion d’une liberté ! »

Entendu dans la salle d’attente : « Quand je suis revenu de Djibouti, je lui ai ramenée une tablette de Côte d’or. »

Rêvé de carottes mortelles.

Montréal. J’accompagne Antoine à la crèche pour qu’il dépose Morgane. En voyant l’assistante maternelle, la petite fait un sourire inquiétant, genre poupée dans les films d’horreur. L’assistante maternelle lève les mains au ciel : « Oh, she looks like the devil ! »

Aéroport. Un rabbin regarde les cartouches de clopes, toutes couvertes de photos de maladies. Le nom est écrit sur un cartel à côté. Il ne sait pas quoi choisir, il me demande : « Vous connaissez les Dumaurier ? »

« Je ne fume pas ». Il hausse les épaules, agacé. « Ok ok, thank you. »

Dans l’avion, il ne veut pas céder sa place à Diane. Il veut absolument être de ce côté de la rangée. Il est très pâle.

J’achète des chaussures de sport. La vendeuse m’explique le principe de la mousse dans le semelles. Elle frissonne. « Excusez-moi, mais j’ai la phobie des petites alvéoles »

Au stade, avec Maïwenn, pour voir Brest-OM. Jacques m’a offert deux places. L’arbitre fait une erreur et la foule se met à scander : « Ven-du, Ven-du »

Dix minutes plus tard, une autre erreur, et la foule se met à hurler : « Ar-bitre/En-cu-lé, Ar-bitre/En-cu-lé ! »

Une petite voix derrière moi claironne : « Eh allez, ça y est, v’là les insultes homophobes ! »

Quand la foule s’arrête de crier, un autre voix, plus loin, dit : « Je préférais "vendu" »
 
A la pharmacie entre un monsieur. Il reste près de la porte, attendant. Le pharmacien le regarde de derrière son guichet. Le monsieur attend dix secondes, puis lance : « C’est moi qui fais le premier pas ? »

Il s’approche du comptoir et complimente le pharmacien sur la plaque qu’il arbore à la boutonnière, et qui stipule qu’il est préparateur : « Pas mal votre étiquette, ça fait genre vieux pharmacien. »

« Genre patiné par le temps, tout ça. »

Le pharmacien répond : « C’est parce que je me frotte un peu partout. »

Retour de Pontivy en voiture. Nuages très exagérés.

Projection de films de Tati au cinéma de Valognes : lorsque le logo des Films de mon Oncle apparaît au début, on entend un « Clounc ». C’est le bruit de la porte battante du restaurant dans Les Vacances de Monsieur Hulot. J’y pense à chaque fois que j’ouvre une porte.

Rencontre avec des élèves à Valognes. Je leur explique le principe de l’escape game : « il s’agit de trouver une porte pour s’échapper ». Au moment où je dis ça, la porte s’ouvre toute seule.

Une jeune fille, avec des lunettes à forte correction, me dit qu’elle est arachnophobe : « Ma grand-mère m’a toujours dit « n’oublie pas qu’il y a toujours une araignée à moins de dix mètres de toi ». »

Rencontre à la médiathèque de Valognes. Un monsieur écoute poliment Laurent, qui explique que lorsqu’il colorise ses planches, la couleur n’est pas forcément illustrative, et qu’un truc bleu peut très bien reste blanc, et inversement. Le monsieur intervient et confirme : « C’est comme les éléphants ! »

Il développe : « Sont-ils gris ou bruns ? »

La dame derrière lui, très pâle, avec un énorme chignon, acquiesce. Il poursuit : « Il y a encore plus étonnant ! Récemment, je ne sais pas si vous l’avez vu, est né un petit éléphant rose. »

« Eh bien figurez-vous qu’ils l’ont adopté et qu’ils l’ont protégé ! »

La dame intervient : « Alors qu’en Afrique – et je sais très bien ce que je dis, car je suis moi-même née en Afrique – les albinos sont rejetés ! » 

Le monsieur acquiesce : « Alors que là, cet éléphant rose, c’est comme s’il était albinos, il devrait être rejeté, et c’est tout le contraire. »

La discussion roule sur les éléphants : « Ils les enterrent ! Parfaitement ! Les petits éléphants. Pas les autres. Pourquoi ? Tenez-vous bien ! »

« Par pur pragmatisme ! Parce qu’ils sont trop gros ! »

Le chignon de la dame, vu de près, est plus impressionnant que de loin, et forme comme un paquet de dreadlocks emmailloté de gaze.

Philip K Dick, Siva : « On se planque où, demanda Kévin, quand on est recherchés par un plasme immortel et omniscient qui dévore le monde par la transsubstantiation ? »