CHAINE DE MONTAGE DE POESIE MECANIQUE

95

A quoi bon sinon ?
La clause est selon
Chacun sa conscience
Bien qui mal y pense

A quoi bon dès lors ?
La clause est cachée
Bien qui mal y dort
Fait un rêve haché

A quoi bon devine ?
La clause est biaisée
L’âme est léonine
Le cœur éméché

A quoi bon tonton ?
La clause a bon dos
Le contrat est bon
L’associé maraud

A quoi bon pourtant
Remets-m’en Léon
J’ai soif de vin blanc
Et d’accordéon

96
J’ai louché la seringue
Et poché la meringue
Dans le bouillon

Déglacé les migous
Épluché le bon goût
Au diapason

Embossé le yéti
Par en-dessous

J’ai mouché la carlingue
Et attrapé la dengue
En pantalon

Ravalé les poitous
Et coiffé les bambous
Chapeau melon

Bu le spermaceti
A gros glouglous

97

Le saule est pleureur
La rose est geignarde
Le règne végétal est un concours de pleurs
Chacun son malheur

Le chien hurle au loin
Et les oiseaux chialent
Fermez la les bestioles ! Eh, taisez-vous, putain !
Est-c’que je me plains ?

Même le caillou
Planqué dans un coin
Chouine imperceptiblement et fait des glouglous
Dans son trou

Le gnou fait des bulles
Les poisson sanglote
Le monde est plein de snifs et de trucs qui hululent
J’en ai plein les bottes

98

Va jusqu’à la prochaine
Et prends l’embranchement
Juste après le gros chêne
File à travers les champs

Ça n’ira pas plus mal
Que si t’allais quêqu’part

Reprends la nationale
Juste après le calvaire
Et trace en diagonale
Le long du belvédère

Ça ne speed’ra pas plus
Si tu prends l’autobus

A la fin fais tampon
Pare-chocs en carton
A la fin fais tampon
Pin pon sur l’horizon

Ça n’ira pas moins mal
Que si t’allais null’part

99

Ah bientôt la quille
Bientôt l’escarbille
A ton cierge blanc

Bientôt les étrilles
Et les banderilles
Avec le vin blanc

Bientôt la Bastille
Bientôt les Antilles
Bientôt le Mont Blanc

Y en a qui resquillent
D’autres qui babillent
Moi je prends mon temps

100

Parce que tantôt
Pourquoi pas demain
L’av’nir appartient
A çui qui s’lève tôt

Le p’loton est passé
Et je suis bon dernier

Ou hier plutôt
Au plus tard le vingt
Je gagne au loto
Ou j’entends qu’on vient

Le p’loton a tiré
Qui c’est qu’est fusillé ?

Malin comme un singe
Qui tord son maillot
Qui lit dans le linge
L’av’nir incertain

Le p’loton dépassé
Fais péter la fusée

101

Le mât versicolore
Planté dans le thabor
Change au gré des bâbords

Il est gras de Champagne
Ou fumée de Cocagne
Ou museau de Bretagne

Le bout technicolore
Au cul du matador
Lui fait queue de castor

Il est tache à postiche
Et moustache à potiche
Et toupet de caniche

102

J’aime à t’emberlucquer
Sur l’idoine paddock
Avec l’os du haddock
Dans les cheveux tressés

Alors tout s’albumine
Et la vie s’illumine
Le ciel est mousseline
Et le sol trampoline

Mais l’ivresse passée
Adieu la synecdoque
On croque des médocs
Et l’on boit froid le thé

Alors tout rembobine
Et l’amour s’envenime
La fleur est assassine
Et le cœur anonyme

103

Chacun déballe son colis
Le fleuve son vaseux débit
La Bible tous ses cachalots
Et son Jonas tout riquiqui

Chacun déterre ses soucis
Le marécage ses souris
Le ciel rapatrie les oiseaux
Et le jardin sa taupe au zoo

104

Celui qui fait crac crac
A remis l’dos en vrac
A c’ui qu’était patraque

L’a guéri sa scoliose
Et sa tuberculose
Et l’autre était d’attaque

105

La permanente à son milieu
Coupait la boucle du cheveu
En deux

Et le cheveu sur son cheval
Galopait dans la nuit glaciale
Pas mal

La crinoline à son neveu
Était brodée de fils baveux
Morbleu

Et le neveu dans ses sabots
Se prenait pour un escargot
Nabot

Le vent domine sur la plaine
Mettez, mettez vos pulls en laine
Les gueux

Car le nuage à l’horizon
Et fait de glace et de tessons
De plomb

La balle en jeu, raie au milieu
Qui marque un but a tué le jeu
Neuneu

Le cheminot dans le chenal
Hulule un SOS en creux
Brumeux

106

Si par la Lune
Ou le hasard
Quelqu’un quelqu’une
Sort du brouillard

La plaine est une
C’est sa lacune
La Lune est pleine
De bas de laine

Malgré la Lune
Quelqu’un quelqu’une
Commence à croire
S’apercevoir

La mer est brune
Les poissons noirs
Et ses lagunes
Sont des miroirs

107

A la page à la ligne
Au rebours au débours
Au verso du recto
Au prénom qui le signe

A quelqu’un attribué
Et jusqu’en son absence
Épluché, étudié
Jusqu’à la transparence

A la nage à la ligne
Au secours au tambour
A lire entre les lignes
On lit comme on laboure

A personne assigné
Et jusqu’en son silence
Malaxé et fouetté
Jusqu’à l’inconsistance

108

Le cœur est rond
Comme un ballon
La mer est fiole
Et l’eau formol

Le ciel est gong
La lune oblongue
En tournebroche
Est sa mailloche

Au médianoche
Sors ta valoche
Mets sur la table
Ton eau potable

Et tes flacons
Où tournebillent
Les escarbilles
Et les flocons

La lune échancre
Le ciel tout noir
Comme un buvard
Qui boit pas l’encre

Et tes faucons
Y font des vrilles
En escadrille
En escadrons

La pluie élingue
Tout l’horizon
Et pleut ses pions
Dans les watringues

Dessous la cloche
Joue au poker
Et dans la pioche
Trouve un joker

109

Je cherche un nom
Bon à graver
Dessus l’acier
De mon blason

Je cherche un nom
Quand d’autres l’ont
Depuis lurette
Depuis perpète

Je cherche un nom
Qui soit plus chouette
L’autre a un plomb
Dans la chaussette

Je cherche un blase
Qui paraphrase
L’identité
Qui m’est cachée

110

L’aube est gyrovague
Et le ciel est vague
Crénelé de peu

On voit une étoile
Couverte de poils
Couleur d’un vieux pneu

Et le vent qui miaule
Traverse ma piaule
En faisant des nœuds.

111

Pourquoi t’as tout bu ?
Le sirop glucose
Et sa ménopause
Le distillat d’os
Sa cloche et sa crosse
Et son toupinet

Quelle heure il était ?
J’ai tout oublié
De ton ail des ours
L’amour ou la bourse
Et la marche arrière
Hop ! Statue de verre !

Pourquoi t’es morose
Pourquoi t’es glucose ?
Évite les arbres
En marchant tout droit
Le tombeau de marbre
Est tombeau du roi.

112

J’apprends de chacun
De chacune ou bien
De tout et de rien

J’apprends quand la brume
Dépèce son rhume
En tranches de pain

J’apprends quand la nuit
Trempe son biscuit
Dans l’alexandrin

J’apprends quand la mort
Revient tissée d’or
Dans son zeppelin

Mais j’oublie toujours
Le goût de l’amour
Quand il pleut au loin

113

Et ma consœur
La dame de cœur
Est maquillée
Camion volé

La dame de trèfle
Est enfumée
Endimanchée
Comme un sapeur

La dame de pique
Sur le rouet
A épinglé
Son doigt de lait

114

Qui perd gagne à quoi
A la roulette à la roulette
A la roulette sans les doigts
Mange la cuisse à l’alouette

Qui porte la poisse
A la va-vite à la va-vite
A la va-vite tu déglaces
Le fond de poêle à l’aquavit

Qui se pommada
A la hussarde à la hussarde
A l’albumine à son corps gras
Porte un chapeau et des cuissardes

Qui porte la mitre
A la grand-messe à la grand-messe
A grands coups de pieds dans les fesses
Fait un plongeon dans les pupitres

115

Il est déjà tard
Le cheveu est gras
Plus tôt vaudra mieux
Tombe sur les yeux
Qu’un tiens tu l’auras
La raie au milieu

116

Dans le laboratoire
Il n’y a pas d’oratoire
Et dans le ciboulot
La mort est au boulot

Dans la potion magique
Il n’y pas de secret
A part la part cramée
Qui goutte à l’alambic

Dans le cœur du mammouth
L’inquiétude s’installe
Le ciel est théâtral
Gaffe à la banqueroute

Dans la mer qui chahute
Y a des amis qui meurent
Adieu dents du bonheur
Adieu les coups de pute

Dans le laboratoire
Y a plus d’accessoires
L’éprouvette est gavée
A ras bord de pâté

117

Reprends du poil à rat
De la mort à gratter
De la carte à blabla
Du circuit imprimé

Remets-moi la rasade
Dans ma tasse en mica
A fond la limonade
A ras bord ratafia

Le verre est transparent
Je bois dans du diamant
Et je souris dedans :
« Raymonde, on voit tes dents »

118

Qui danse au doux printemps
Remplit son verre à dents

Qui met son moufle à temps
Épargne ses brelans

Qui s’attaque au Mont Blanc
Se guérit du cancan

Qui renifle en dedans
Se remplit de lait blanc

119

Je désespère
De l’encyclique
Allô Saint père ?

Vraiment trop nul
Le pape abdique
Il fait des bulles

Je m’exaspère
Bon catholique
Allô Saint Pierre ?

Perds mon latin
Tout part en couic
Peau de lapin

Tout s’accélère
Où sont les flics
Allô la Terre ?

Dieu est bredouille
Et amnésique
Gros manche à couilles

120

J’enjambe l’indus
Je suis bleu de Prusse
Et vert de courage

Je presse l’anus
Entre deux flocages
Comme un angelus

J’essaie mon bronzage
Et tourne la page
De ma carte à puce

121

Il le livrit
A la vindicte
Le soumettit

A l’énoncé
De sa verdict
Il s’évanoué

On l’emmenut
Droit au Samu
Sur un brancard

On lui ouvra
Le corbillard
Comme un placard

Dedans y’avions
Un vieux regret
En fil à plomb

Des verbes blancs
En petits bancs
Mal conjugués

122

Bonjour à la dame
Au serpent qui brame
A nez d’éléphant

Bonjour à la femme
Avec des seins flans
Touche et mets des gants

Bonsoir à l’Adam
Qui vêtu de blanc
Dansait dans les flammes

123

A la virgule qui mieux-mieux
Qui dit mieux ?
La libellule a des gros yeux
Deux globules

La molécule a des cheveux
Qui floculent
La canicule éteint son feu
Quand il pleut

La funambule avait tes yeux
Fais un vœu
Ça fait passer le crépuscule
La pilule

124

Le couvercle est en flanelle
Et la nuit en caramel
Y pleut des ficelles

La marmite est en béton
Et la pluie en bas nylon
Y fait des cartons

La soupe est au potiron
L’arme est au bout du moignon
Il pleut des bonbons

Le cercueil est en bouteille
Et la vie est une abeille
La mort un frelon

125

La ligne bleue des Vosges
Déploie tous ses pianos
Réglés comme à l’horloge
Cylindres Caruso

La ligne Maginot
Démoule ses meringues
En fait des berlingots
Et s’essuie la carlingue

L’a piqué sa seringue
Avec la Cendrillon
L’a fermé son bastringue
De son noir pendrillon

126

L’île est en caoutchouc
Le cœur est un hibou
Hou hou

Le ciel est en plastique
Tire sur l’élastique
Tactique

La mer est en chiffons
Les vagues des haillons
A u fond

Le noyé fait du zèle
Le poisson a des ailes
Ficelles

L’île est un caramel
L’épave est caravelle
Nacelle

Le hollandais volant
Est peuplé de harengs
Tout blancs

Le ciel est métallique
Et la pluie mécanique
Fait clic

Le cœur est un hibou
Planqué dans les bambous
Hou hou