CHAINE DE MONTAGE DE POESIE MECANIQUE

1.

Que je t’escagasse
Ou que tu m’allumes
La rumeur est grasse
Et le cocher fume

La roue des Sargasses
Patine dans l’huile
Et le catcheur s’huile
Pour beurrer la nasse

La pluie fait du gong
Sur les toits en zinc
Et les soldats trinquent
En claquant des tongs

2.

Au diapason au diapason
De ta chanson
V’là mon violon v’là mon violon
Bel échanson

Si tu me laisses
Poser mes fesses
Dans ton salon

Je joue pas l’orchestre en entier
J’suis pas légion
J’ai pas le don d’ubiquité
Amphitryon

Si je m’accorde
Il pleut des cordes
Dans ta maison

3.
La faute à la gare de Lyon
La faute aux pigeons
A celle qui cherchait des poux

La faute à la Butte Montmartre
La faute aux canons
A celle qui décalquait le tartre

La faute surtout
Au roi des hiboux
La faute à son vol
Sur la nécropole
La faute à son cri
Qui faisait : "Pariiis"

4.

Champion des lampions
Tu brûles à l’haleine
A l’acétylène
Le moindre moignon

Champion des mitaines
Tu boxes au salon
La tronche à Gégène
Contre un biffeton

5.

Duquel a le nom
Par le truchement
De celle-là qu’elle
Par embranchement
Rejoignait untel
Faufilant icelle
Dans le carrousel
Des encombrements.

6.

Le bourgmestre a des ailes
Cachées sous son veston
Et un cœur de gazelle
Sous l’étau du plastron

Le curé à des nerfs
En fil de bas nylon
Il a bon caractère
Mais je tairai son nom

L’institutrice a tort
Sa chevelure est brune
Sa peau d’alligator
A des reflets de prune

7.

Comme un Roger-Bontemps
Se la couler printemps
Dans le moindre interstice

Comme un tranche-montagne
Se la jouer Roland
Soufflant dans sa Cocagne

Et comme un tâte-au-pot
Se mêler des gigots
Et des osso-bucos.

8.

Sur le pont
Parapet Miroton
Y passe un escadron

Sous le pont
Parapet Miroton
Ben le fleuve est en crue

La recrue
Parapet Mironton
Quitte le peloton

Et plongeon !
Parapet Miroton
Coule au fond comme un plomb

Un suicide ?
Parapet Miroton
Surtout un grand lucide

Sa chanson
Parapet Miroton
Fait pleurer les barbons

9.

Je n’ai qu’un nom
Et deux blessures
Et trois moignons
Dans la saumure

J’ai quatre plombs
Dans la chaussure
Un pied tout dur
De Cendrillon

10. J’ai tout fourbu
Dans mon calbut
D’anacoluthes

J’ai tout crevé
D’analphabète
Dans mon calfouette

J’ai tout vanné
D’accordéon
Dans mon cal’çon

11.

Monsieur le roi Soleil
Promenait son bichon
Dans les allées du square
Et jetait un bâton
Dans le lac en miroir
Pour que son chien s’essaye

Le chien craignait l’eau froide
Et renâclait au bord
Sa truffe était humide
Madame pisse-froide
Vint à passer, livide
Se moquant du médor

Alors le roi Soleil
La poussa dans la flotte
Se délesta des bottes
Shoota dans l’animal
Et plongea tout pareil
Dans le flot minéral

12.
J’ai renoncé à Cléopâtre
A la blancheur de son albâtre
Et à ses seins en papyrus

J’ai renoncé à Messaline
Ses doigts étaient de mousseline
Mais ses caresses des cactus

J’ai renoncé même à Vénus
A toutes les femmes ici-bas
Et pour oublier mon cursus
En hommage à Marie Dubas
J’ai fumé de l’eucalyptus

J’ai renoncé à Rockefeller
A la verdeur de ses billets
A son hôtel rue de la Paix

J’ai renoncé à Elon Musk
A sa raideur j’ai préféré
L’élasticité du mollusque

J’ai renoncé même à Crésus
A tous les trésors qu’on m’offrit
Et pour compléter mon rébus
En hommage à Léon Trotski
J’ai distribué des prospectus

13.
Mon analyse est terminée
Le résultat est désastreux
Car j’ai des yeux de cytoplasme
A la place des doigts des phasmes
Et dans le sang de la guirlande

Mon analyse est achevée
Le résultat est malheureux
Car dans le foie j’ai un vitrail
Qui renvoie des reflets en braille
Comme un soleil de contrebande

14.
Il avait nom Portomagus
Il vivait dans un autobus
Et se nourrissait de chameaux

Elle avait nom Bartalabille
Et vivait dans une escarbille
Y confectionnant des chapeaux

Il avait nom Pastalendrille
Il vivait dans un chalumeau
E se nourrissait de myrtilles

Elle avait nom Coulanoisette
Et vivait dans une épuisette
Où l’épuisait la pluie d’en-haut

15. Champignon des mitaines
Pétale au bas nylon
Fleur de samaritaine

Echelle au pantalon
Accident de bedaine
Bas en accordéon

Chemise en propylène
Et gros clou en laiton
Planté dans le chignon

16
Madame était Patrick
Et Monsieur Léonore
Elle médaillée d’or
Et lui prix d’Amérique

Car il était cheval
Et elle était moustique
 son surnom de jockey-
Les deux très athlétiques

Un jour il pila fort
Devant l’ultime obstacle
Et cela fit du tort
Donna vilain spectacle

Patrick tomba de haut
Vida ses étriers
Lui fuma des mégots
Vidant les cendriers

Et but de l’aligot
Et de l’or en sachets
Au souvenir en trop
De leur gloire passée

Léonore était cuite
Et Moustique, alcoolique,
Devint son satellite
Tétraparaplégique

17.
Chacun sa migraine
Et son édredon
Plongeons sous la laine
La tête en coton

Ca fait cache-nez
Ca fait des bonnets
Coiffant derechef
De chacun la poire

Ca fait des histoires
Quand à trop presser
Sur la céphalée
On se fend le chef

18.
Le roi revenu
De la chasse but
Et jeta tout crus
Ses laquais tout nus
A son vilain
Lion

Le lion s’en amuse
Et les prend par ruse
Comme la méduse
Il les hypnotuse
Croque un par un
Cons

Pendant qu’il les bouffe
Le roi patapouf
Décuite et étouffe
"Où sont tous mes schtroumpfs,
Mes p’tits lutins
Blonds ?"

Alors il regrette
Le veau vinaigrette
Les seaux de piquette
Les excès d’amphète
Et il devient
Bon

19.
J’ai terminé l’assiette
Et bu le fond de veau
Trempé mon nez dans l’eau
Et mâché l’omelette

J’ai le ventre en arceaux
Et le citron confit
Le foie en pissenlit
L’œil tout coquelicot

J’ai terminé le pain
Et rompu l’os du vin
En achevant la quille
Dans un ver d’or qui brille

20.
Sainte Brigitte et saint Totem
D’en vont au grand Prix de Longchamp
Sous forme d’amoureux qui s’aiment
Et qui s’embrassent tout le temps
Tandis que les chevaux crépitent
Avec leurs sabots pleins d’arthrite

Sainte Brigitte et saint Totem
Vont gagner le prix d’Amérique
Sous forme de cheval tout blanc
Qui file au vent dessous la lune
Et la tribune
Est pleine d’amantes et d’amants

21
J’aime le carrousel
De tes cheveux clopin clopant
Crinière boîtant vent à vent
J’aime ton démêlant

J’aime le débouché
De tes yeux dedans l’horizon
Quand vrille l’hélice en acier
De ton tire-bouchon

J’aime le falbala
De tes lèvres de croquignole
Quand ton émolliente parole
Se dissout en blablas

22
Un as de brusquembille
Lui tenait lieu d’obole
Un valet de Manille
Prenait le pont d’Arcole
Le reste était vapeur
Et carreaux de beffroi
Et la dame de Peur
L’emportait sur le Roi

23
J’irai voir le Pape
Et ses cardinettes
Tirerai la nappe
Dessous les assiettes

J’irai voir le dieu
Qu’on prend pour la Lune
Assis sur sa lune
Au coussin des cieux

J’irai voir le graal
M’en ferai un creux
Rempli de pétales
Ou bien rempli d’yeux

J’irai voir le Pape
Et ses gardes suisses
Piocherai la grappe
De ses raisins lisses

J’irai voir le dieu
Qu’on prend pour Tintin
Et ferai du vin
De ses raisins bleus

24
J’aborde le rivage
Avec un bateau mou
Qui porte ton visage
A la proue

J’aborde le virage
Avec aux yeux des loupes
Et j’y vois que cirage
Je me loupe

La mort n’est qu’un mirage
Dont la face à la poupe
Discrète au bastingage
Se découpe

25
J’aime du poisson l’écaille
Et de l’église le vitrail
Chacun se lit en braille

J’aime du chameau la bosse
Et du bûcher la Carabosse
Les deux sont remplis d’os

J’aime du château la tour
Et du chemin le carrefour
Impasse sans détour

26
Car il y eut des jours
Où se levait toujours
Un soleil agréable

Parce que c’était beau
De contempler les flots
Qui irisaient le sable

Aujourd’hui tout est fake
La fontaine est à sec
La morale est sans fable

Machinerie sans heurts
Où les ouvriers meurent
En déroulant du câble

27
Le ciel était d’un mou
Mais alors d’un mou pâle
Mais d’une pâleur floue
D’un flou blanc qui s’étale

Le ciel était dissous
Mais le soleil soudain
En plein milieu de rien
Ouvrit l’œil de Moscou

Le ciel était un cercle
Concentrique et logique
Ou alors un couvercle
Sans faitout qui s’applique

Adieu donc ô mollesses
O pastel et promesses
Adieu cieux d’hirondelles
Le Soleil est trop cuit
Croûte à sel
Adieu fusain la nuit
Et sanguine à midi
Moi j’attends de la pluie
L’aquarelle

28
J’ai de quoi voir venir
De quoi t’indéfinir
Te coucher t’en finir
A t’en mourir de rire

Et j’ai de quoi tenir
Jusqu’à la fin du pire
Quand les crétins vampires
Auront fini de fouir

J’ai des stocks j’ai la mire
J’ai des sacs qui aspirent
Les planchers sous la cire
Et j’ai pris de quoi lire

Le ciel est au nadir
Je bois à l’avenir
Meurtrier élixir
Soupirail à soupirs

29
D’autant que j’avais bu
Ce qui j’en suis d’accord
Mais que dire dès lors
Les excuses non plus

D’autant que pour le mieux
Du moins ce qu’on espère
Au mieux que puisse faire
Autant que faire se peut

Mais je rate l’accord
Et je pianote au pif
La boussole hiéroglyphe
a glissé sur le nord